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Serge Tisseron,
L'apport
de la psychanalyse dans la recherche en éducation
aux médias- 28 février
2002 |
Dans
notre façon d'aborder l'image et les médias, notamment pour
l'éducation aux médias et pour la recherche dans ce domaine,
on a tendance à oublier les émotions. Pour vous en montrer
l'importance, je vais vous exposer quelques orientations
de mes travaux et notamment les raisons qui m'ont amené,
en tant que psychanalyste, à faire une recherche sur les
effets collectifs des images. Je ferai tout d'abord référence
à ce qui a précédé pour moi cette recherche, c'est-à-dire
à mes travaux cliniques avec des enfants et des adultes.
Puis j'exposerai ma recherche, ses résultats et les perspectives
qu'elle ouvre.
Images
enfouies, images exprimées
Il
peut paraître surprenant qu'un psychiatre, un psychanalyste,
puisse s'intéresser à l'éducation aux images. Je suis arrivé
à cette question car je recevais, en consultation, des enfants,
des adultes et des familles qui évoquaient régulièrement
des images qui leur posaient problème, qui les avaient bouleversés,
qui leur avaient donné des insomnies, qui les faisaient
vomir, qui leur donnaient mal à la tête ou mal au ventre.
J'ai donc été amené à comprendre avec ces enfants ou ces
adultes ce qui se passe autour des images. Dans tous les
cas dont j'ai eu à m'occuper, j'ai découvert que ces images
avaient réveillé des expériences pénibles vécues précédemment.
En
partant des images, on permet donc aux patients de découvrir
des choses nouvelles sur des portions de vie qu'ils ont
effectivement vécues, mais dont ils n'ont pas gardé le souvenir,
et qui continuent à agir à l'intérieur d'eux sans qu'ils
s'en rendent compte. Nous ne gardons pas, en effet, le souvenir
de tout ce que nous avons vécu, d'heureux ou de malheureux.
Des choses peuvent donc toujours être réveillées par des
images sans que la personne qui est dans cette situation
n'en ait le mode d'emploi. C'est ainsi qu'on peut vivre
une angoisse très excessive par rapport à l'image qu'on
a en vue, sans que femme, mari ou amis, n'éprouvent la même
angoisse. On a donc besoin de réfléchir sur soi-même pour
trouver l'origine de ce qui préoccupe.
Du
ressenti au réel
Dans
ce genre de cas, je me suis aperçu que ce qui posait problème
dans un premier temps c'était que la personne confondait
l'image qu'elle voyait avec les répercussions émotionnelles
de cette image sur elle. Pour illustrer mon propos, je citerai
l'exemple d'une femme qui m'a dit un jour qu'elle avait
vu une chose horrible : " une publicité représentant une
femme en pleurs dans le métro, assise sur une valise, qui
avait manifestement tout perdu ". Quelques jour plus tard,
je prends le métro, je vois effectivement cette publicité,
mais la femme n'était pas du tout dans la situation angoissante
décrite par la patiente. Il y avait donc confusion entre
les émotions ressenties et l'image réelle, ce qui implique
une difficulté à replacer l'image que l'on voit dans sa
propre dynamique psychique, dans la relation qu'on a à elle.
En ce sens, je ne suis pas un spécialiste des images, mais
un spécialiste des relations que nous établissons avec elles.
Nos
rapports aux images
On
peut noter quatre principes de nos rapports aux images :
On a toujours tendance à confondre les images que l'on voit
avec celles que l'on a dans la tête.
On court toujours le risque que des morceaux de notre histoire
soient réveillés par des images qu'on voit.
Quand on parle de ce qu'on a vécu face aux images, les choses
commencent à se dénouer. On arrive peu à peu à relativiser
la place de l'image objective, réelle, la place de l'image
que l'on a dans la tête. On prend mieux en compte la manière
dont chacun voit les images.
Lorsqu'une personne peut se réclamer d'une image pour justifier
ses actes, on s'aperçoit en réalité que le désir d'action
préexistait toujours au fait que cette personne ait vu ces
images à la télévision ou au cinéma.Les
images proposent des modèles, mais elles ne sont pas suffisantes
à elles seules pour imposer le désir de réaliser une chose.
Il faut que le désir de réaliser cette chose préexiste au
modèle.
L'image
et la causalité
La
clinique permet de comprendre que la manière dont nous recevons
les images se trouve toujours au carrefour de plusieurs
chaînes de causalité. La première chaîne de causalité est
évidemment le contenu de l'image. La seconde chaîne de causalité
vient du fait que nous réagissons aussi aux images en fonction
de notre histoire individuelle. Troisième chaîne de causalité
: les répercussions des images dépendent des relations qu'on
a avec les personnes autour de soi. C'est très important
pour les enfants parce qu'ils reçoivent les images à travers
le filtre émotionnel des parents. Les enfants peuvent être
bouleversés par des images qui bouleversent les parents
parce qu'ils reprennent à leur compte les émotions vécues
par leurs parents. Donc la perception des images est aussi
au carrefour de la vie familiale pour les petits enfants.
Et pour enfants et adultes, elle dépend enfin de la relation
avec les camarades, les autres adultes, les amis, et plus
largement la culture environnante. C'est la quatrième chaîne
de causalité. Les images jugées comme dangereuses et préoccupantes
par une culture ne sont pas les mêmes que celles qui sont
jugées dangereuses par une autre. Un élément important de
ce quatrième facteur ne peut pas du tout être cerné en cabinet.
Quel est en effet l'impact des pairs ? Le cabinet permet
de comprendre la relation individuelle, éventuellement la
relation familiale aux images, mais pas les effets collectifs.
Une
recherche sur l'image et le groupe
C'est
à partir de cette constatation que j'ai pensé qu'il serait
intéressant de mieux cerner l'influence du groupe dans la
réception de l'image. Le but était de comprendre globalement
les modes d'appropriation individuels et collectifs de l'image
violente.
Contraintes
méthodologiques
J'ai
donc proposé à la direction de l'Action sociale puis au
ministère de la Culture, une recherche sur ce thème en 1993/94.
La Direction Sociale était préoccupée par l'efficacité pratique
de ce travail. Or, à cette époque-là, le CSA préconisait
la mise en place d'une signalétique anti-violence. La direction
de l'Action sociale et le ministère de la Culture m'ont
demandé, dans leur souci d'efficacité, de valider la mise
en place de la signalétique. Il s'agissait de découvrir
si les enfants allaient réagir différemment s'ils étaient
avertis ou non que les images étaient violentes. Cette contrainte
est cependant tombée d'elle-même, car pour disposer d'un
établissement scolaire, il fallait expliquer la recherche
aux parents, et ces derniers avertissaient leurs enfants
de la violence des images. Certains enfants ont même été
déçus que les images ne se soient pas aussi violentes, que
ce que leurs parents leur avaient annoncéŠ En revanche tout
le volet de la recherche concernant l'appropriation des
images a pu être mené correctement.
Les
hypothèses psychanalytiques au service de la compréhension
chiffrée
L'enquête
s'est faite sur le terrain en région parisienne, auprès
de 200 enfants âgés de 11 à 13 ans, tous élèves de classe
de 5è. Un des objectifs consistait à recueillir des données
statistiques qui s'appuient sur des hypothèses psychanalytiques.
Les recherches habituelles reposent, en effet, sur des hypothèses
comportementales et cognitivistes.
Ma
première hypothèse tentait de discerner comment les enfants
se débrouillent avec l'impact des images violentes qu'ils
vivent. J'ai donc choisi des images très violentes prises
dans les programmes de " prime time ", de JT et de programmes
de jeunesse. La plupart des enfants les avaient déjà vues.
Je suis parti du principe que les enfants allaient être
bousculés par les images. Quels moyens allaient-ils utiliser
pour supporter la violence ? Chez le psychanalyste, les
gens utilisent la parole. Mais les enfants se servent souvent
de dessins pour exprimer leurs émotions, comme à la suite
du 11 septembre. Pour ne pas alourdir la recherche, nous
nous sommes contentés des images que les enfants pouvaient
raconter. Enfin, les enfants peuvent aussi exprimer ce qu'ils
ressentent avec leur corps. Le corps est un moyen important
pour symboliser nos expériences du monde. En France, la
pensée verbale est à l'honneur. La symbolisation lacanienne
ne porte que sur le langage parlé-écrit, Lévi-Strauss ne
prend pas en compte non plus le langage corporel. Pourtant
les penseurs des années 30 comme Mauss avaient eu l'intuition
de l'importance de ce qu'ils appelaient les " techniques
du corps " et de la mise en forme par le corps des expériences
du monde. Comment les enfants allaient-ils donc se servir
des images, du langage et du corps ? Telle était la première
question de cette recherche.
Ma
seconde hypothèse était centrée sur la dynamique des groupes
: dès qu'un individu est plongé dans un groupe, ses réactions
n'obéissent plus toujours à une logique individuelle mais
il entre dans une logique de groupe. Plus les gens sont
insécurisés dans un groupe et plus ils ont tendance à des
comportements grégaires. Comment les enfants allaient-ils
se comporter en groupe après avoir vu des images contenant
ou non, des scènes de violence ? Telle était ma seconde
question.
Déroulement
de l'enquête
Pour
l'enquête, deux types d'images avaient été sélectionnées
préalablement pour être montrée aux élèves : des images
neutres et des images violentes. Les images neutres avaient
un contenu qui n'était pas susceptible de provoquer normalement
des réactions émotionnelles fortes, comme des enfants dans
un bus, ou des jeunes filles qui rangent leurs affaires
dans un internat. Le jour de l'enquête, tous les enfants
se voyaient distribuer un dossard avec un numéro. Je les
réunissais ensuite dans la salle de projection de l'établissement
et faisais une petite présentation en invoquant les problèmes
que posent les images qui inquiètent les parents, les pouvoir
publics et eux-mêmes, sans évoquer le mot de violence. Je
les remerciais grandement de participer à cette recherche.
On leur montrait ensuite 5 séquences d'images violentes
ou non. Dans les deux cas, la cassette durait 10 minutes.
L'idéal aurait été que tout de suite après, chacun de ces
enfants ait été reçu en entretien individuel. Mais il aurait
fallu avoir 40 spécialistes du domaine. Or, nous ne disposions
que de 30 chercheurs, quinze spécialisés en entretiens individuels,
quinze spécialistes en dynamique des groupes.
Pour
palier notre insuffisance en nombre, on a donc eu recours
à un biais. On prenait la moitié des élèves en entretiens
individuels au sortir du visionnage, les autres allaient
dans une salle où ils ne pouvaient communiquer entre eux.
Ils étaient occupés à remplir une enquête intitulée Les
jeunes et les écrans qui a été publiée dans le revue Réseaux
il y a deux ans. Lors des entretiens individuels, le chercheur
clinicien posait des questions stéréotypées, toujours les
mêmes, pour savoir si les enfants avaient déjà vu les images
et ce qui les avaient impressionnés. Les réponses et les
réactions non verbales étaient notées. Les enfants passaient
ensuite en entretien de groupe. Le chercheur clinicien transmettait
une petite feuille au responsable de la recherche. On décidait
à partir de ce petit papier si l'enfant allait dans un groupe
de ceux qui " parlaient plus " ou dans un groupe de ceux
qui " parlaient moins ". Il s'agissait de tester une idée
récurrente qui serait que les enfants qui parlent plus des
images qu'ils ont vues sont moins menacés de les imiter.
Deux
ensembles de groupes ont donc été constitués : les groupes
des enfants qui parlaient plus et les groupes des enfants
qui parlaient moins. Ces groupes de huit à dix enfants avaient
affaire à deux animateurs de jeux de rôle. Les enfants étaient
invités à jouer comme au théâtre, à faire semblant. Ils
imaginaient ensemble un scénario, tous pouvaient tomber
d'accord pour jouer un scénario proposé par l'un d'entre
eux. Dans chaque groupe, deux observateurs notaient tout
ce que les enfants disaient et faisaient.
Quelles
conséquences pour les enfants face aux images violentes
?
Les
résultats ont porté sur trois types de thèmes : l'impact
des images, la façon dont les enfants prennent de la distance
avec elles, leurs réactions en groupe. Première constatation
: les images violentes ont des effets très différents des
images neutres. Les résultats ont montré que les enfants
sont très malmenés par les images violentes qu'ils voient.
C'est d'autant plus étonnant que la majorité les avait déjà
vues, et que tous les enfants étaient prévenus de la violence
des images. Les images violentes ne les laissent donc pas
indifférents.
La
prise de distance se fait lentement
Seconde
constatation : tous les enfants ont tendance à dire tout
de suite que la violence des images ne leur a rien fait.
Il a donc fallu faire une distinction entre la réaction
des enfants en début d'entretiens et leur réaction dominante
pendant la rencontre. Les enfants profondément bouleversés
ne peuvent exprimer leur malaise qu'après un certain laps
de temps lors de la discussion. Leurs émotions sont bien
plus nombreuses après des images violentes qu'après des
images neutres. Ces émotions comportent de l'angoisse, de
la peur, du dégoût et de la colère. Ils ressentent aussi
des émotions démobilisatrices, qui éloignent de l'action
; ce sont des réactions dépressives. Les enfants parlent
bien davantage après avoir vu des images violentes que des
images neutres. Ils utilisent également beaucoup plus des
images mentales, des petits scénarios intérieurs. En ce
sens, les enfants qui ont vu des images violentes sont beaucoup
plus engagés dans la fabrication de petits scénarios intérieurs,
à travers lesquels ils imaginent que les choses auraient
pu se passer différemment dans le film. Enfin les manifestations
non verbales sont beaucoup plus importantes. Celles-ci sont
cohérentes avec le discours. L'enfant a toujours des manifestations
émotionnelles adaptées à ce qu'il dit. Le corps est donc
une manière qu'a l'être humain de se donner des représentations
et de les faire partager à son interlocuteur.
En
groupe, la honte et l'agressivité prédominent
En
groupe, deux émotions restées discrètes en entretiens individuels
prédominent : la honte et l'agressivité. Ces deux types
d'émotions surgissent quelles que soient les types d'images
présentées lors de la projection. On peut attribuer ce phénomène
au fait que dès qu'on met des gens en groupe, ils sont pris
d'inquiétude, craignent de ne pas être acceptés. Pour être
accepté, le sujet se met un peu à l'écart car il attend
que le groupe fixe sa règle. Il ne s'agit pas d'une honte
cataclysmique, mais d'une honte mineure : la gêne, le recul,
manifestée par le faire de rougir, de rester l'écart, de
ricaner dans son coin. L'agressivité est une autre manière
de gérer l'angoisse d'être dans un groupe. Ces deux réactions
sont d'autant plus notoires que ces enfants se connaissent
tous. Malgré cela ils ont ces réactions de honte et d'agressivité
très marquées. Ceci prouve également que l'expérience émotionnelle
très intense que les images ont eu sur eux les place dans
une grande attente de règles communes. Si on leur avait
simplement demandé de se réunir dans la cour ou dans une
pièce, il n'y aurait probablement pas eu autant de honte
et d'agressivité.
Comme
on leur a imposé une expérience tout à fait nouvelle et
angoissante, l'attente des repères est devenue extrêmement
importante. Il faut rappeler aussi l'âge des enfants. A
11-13 ans la dépendance au groupe est très importante. Ils
ont à gérer leur devenir adulte alors qu'ils ne trouvent
pas de modèle enviable autour d'eux. Ils ont donc recours
à une identification à leurs pairs. Enfin quelles que soient
les images vues, l'origine sociale des enfants et le fait
qu'ils aient été prolixes ou non préalablement, les scénarios
proposés et joués par les enfants sont les mêmes.
Les
filles s'expriment plus et sont pacificatrices
Cependant
les images violentes ont tout de même un effet sur le groupe,
repérable grâce au comportement des filles. Les filles ont
trois attitudes différentes par rapport aux garçons.
1.
Plus à l'aise avec le langage, elles parlent beaucoup plus
que les garçons des images violentes qu'elles ont vues pour
maîtriser les effets émotionnels provoqués par la violence.
En revanche, après les images neutres, elles parlent ni
plus, ni moins qu'eux. Elles ont donc une compétence verbale
plus grande que les garçons, mais qui ne s'actualise sous
la forme d'une performance que dans certaines conditions
: la déstabilisation et le besoin de reconstruire des repères,
par exemple.
2.
Les filles attendent plus du groupe que les garçons après
avoir vu des images violentes. Elles attendent de se retrouver
entre copines pour pouvoir mettre en forme les expériences
émotionnelles du monde. Cet aspect de leur attitude complète
le précédent.
3.
Enfin, les filles et les garçons proposent des scénarios
de jeu différents selon qu'on leur a montré des images neutres
ou violentes. En individuel il n'y a pas de différence entre
garçons et filles : elles ont les mêmes angoisses et les
mêmes scénarios que les garçons. Mais elles ont une autre
idée de leurs responsabilités en groupe. Là elles font appel
à des modèles appris où elles doivent être pacificatrices.
Elles proposent des scénarios de diplomatie et de conciliation
plus nombreux que les garçons, elles cherchent à trouver
des compromis, des attitudes de pacification, elles tentent
de calmer les esprits. Mais ces attitudes ne fonctionnent
qu'avec les images neutres. Après avoir vu des images violentes,
elles développent les mêmes scénarios d'agression ou d'attaque
que les garçons. Elles se retrouvent alors sur un pied d'égalité
avec eux, en proposant des scénarios agressifs ou violents.
En déstabilisant les jeunes, les images violentes provoquent
donc chez les filles qui ont appris à avoir un rôle conciliant
et pacificateur un abandon de ces rôles en groupe. Ce qui
nous amène à une question.
Sous
l'effet des images violentes, tous les enfants, garçons
et filles, ou les adultes, hommes et femmes, qui se font
d'eux-mêmes une idée comme devant avoir un rôle pacificateur,
ne sont-ils pas amenés à y renoncer ? Après le 11 septembre,
il est remarquable qu'un certain nombre d'intellectuels
connus pour leurs positions conciliatrices se sont tus ou
ont pris position en faveur de l'offensive armée en soutenant
massivement Bush. Le grand danger des images violentes serait
d'amener jeunes ou adultes ayant des rôles pacificateurs
à y renoncer sous l'effet de la déstabilisation intérieure.
Recommandations
Enfants
et adultes : un rapport différent aux images
On
voit, à partir de là, que l'éducation aux images doit éviter
certains écueils. Le premier serait de la faire à côté des
préoccupations des jeunes. On voit souvent des adultes impressionnés
par des images et qui pensent que les enfants qui sont plus
fragiles qu'eux-mêmes doivent être encore plus impressionnés
qu'eux par les mêmes images. Mais les enfants peuvent chercher
les effets spéciaux et être malmenés par des images qui
n'impressionnent pas du tout l'adulte. Inversement, un enfant
peut être malmené dans un film par l'image d'un enfant qui
perd sa peluche alors que l'adulte sera malmené par l'image
d'un personnage tué à bout portant. Une autre erreur de
l'éducation aux images serait de croire que le langage est
le seul moyen valide pour aider les enfants à dépasser l'impact
émotionnel et la dangerosité des images violentes.
Or,
ma recherche montre que si le langage est important, il
faut également prendre en compte d'autres facteurs, dont
en premier le facteur émotionnel. C'est celui-ci qui donne
sa signification aux images. Il faut partir avec les enfants
de ce qui les a bousculés, qui peut même leur avoir provoqué
un choc physique. Une émotion forte est indissociable de
l'état du corps. Enfin, pour permettre aux enfants de s'approprier
l'impact des images sur eux, il ne faut pas se contenter
du langage. Il faut aussi les inviter à utiliser d'autres
moyens comme les images, le corps, le jeu de rôle. Les enfants
doivent fabriquer leurs images, dessiner, utiliser la photo,
le montage. Ils se donneront ainsi à eux-mêmes une représentation
plus précise de la manière dont ils ont perçu l'image violente
et pourront ainsi ensuite en dire quelque chose. Quant au
corps, il permet de traduire et de gérer, en mettant en
représentation ce que l'enfant a vu en faisant un appel
à communication à l'autre. Les réactions des camarades permettent
à ceux qui s'expriment par le corps d'être confortés dans
leur réception des images.
Pour
la création d'un groupe d'éducateurs spécialisés dans l'image
Les
formes sensori-motrices de la symbolisation posent toutefois
un problème spécifique. C'est quand, dans un groupe d'enfants,
l'un d'entre eux agresse les autres réellement. Le travail
de mise en représentation est brisé par le biais d'un enfant
qui n'arrive pas à jouer le jeu. C'est pourquoi il est indispensable
au des adultes encadrent ces modes de représentation, les
canalisent et leur permettent d'évoluer, du corps vers les
images et des images vers les mots. Je préconise donc la
constitution et la formation d'un corps spécialisé d'éducateurs.
Ceux-ci seraient formés notamment à la dynamique de groupe
et à la symbolisation gestuelle et pourraient proposer aux
enfants d'abord de jouer ce qu'ils ont vu, puis d'en faire
des images, et enfin d'en parler. En agissant de la sorte,
on serait sûr de n'oublier aucun enfant puisqu'on prendrait
en compte successivement tous les moyens de symbolisation
qu'ils utilisent tous spontanément, mais dans des proportions
variables selon leur personnalité.
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