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LES
MÉDIAS SUR INTERNET : ressources et enjeux
pédagogiques
stage national, mai 1999
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LES MODES D'ÉCRITURE SUR LE WEB |
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Le plus simple, un sujet traité "tout texte".
Le pupitre prend le "papier" du journaliste et le
plaque intégralement sur une page.
A l'échelon juste au-dessus, ce même
sujet bénéficie de liens externes.
Les liens ont leur intérêt seulement
dans la mesure où on trouvera de l'information
complémentaire. Sinon, il risque d'être
une simple distraction pour le lecteur et entrer en
compétition avec le principe économico-journalistique
qui veut que l'on accroche son lecteur et qu'on essaie
de le garder.
Ou encore, un dossier "à tiroirs", c'est-à-dire
un hypertexte.
- Premier niveau: deux "tiroirs emboîtés".
Par exemple, Yahoo-France Actualités (YFA)
propose une longue série de titres et de "lead"
avec des liens vers les dépêches.
- Deuxième niveau: le dossier en hypertexte.
C'est une écriture qui s'inspire de ce que
font, par exemple, les mensuels féminins (un
chapo pour donner envie, un synopsis pour livrer l'info
brute, un long article qui fait office de "dossier",
et à côté les encadrés
sur avant, après, contexte, environnement,
carnet d'adresses...). En multipliant les angles,
on multiplie les chances d'accrocher le lecteur et
on garde sur le Web cette notion de base du journalisme:
l'angle. On peut ainsi donner plusieurs points de
vue sur un sujet. Les pages thématiques, comme
celles de YFA, sont vraiment intéressantes
du point de vue de la multiplicité des sources.
- On utilise aussi une des caractéristiques
d'Internet: l'hypertextualité. Mais jusqu'où
peut-on aller sans que le lecteur ait l'impression
d'être perdu? Le métier du journaliste,
c'est aussi de faire des choix, de hiérarchiser.
- Faut-il concevoir le dossier comme un sujet à
enrichissement permanent ou un papier fini ?
- Le tout est parfois accompagné d'une version
imprimable dont la mise en page est plus sobre et
qui reprend tout le dossier dans un seul et même
fichier. Là est sans doute un des intérêts
du Net: pouvoir donner d'une information une version
qui correspond au besoin de chacun, sans l'obliger
"d'acheter" (d'imprimer, d'écouter...) un dossier
entier, mais en lui en donnant la possibilité.
Exemple: La Tribune.
Une autre forme, l'écriture multimédia.
C'est encore souvent la copie conforme de ce que l'on
trouve dans nos salles de rédaction radio ou
télé: l'amorce du sujet sur la page
Web avec le reportage en RealPlayer (radio ou télé).
C'est le modèle qu'a choisi la société
Radio-Canada. Parfait pour écouter un reportage
où une émission qu'on a raté,
mais on se retrouve dans la position passive de l'auditeur
ou du téléspectateur.
La spécificité de l'écriture
Web, ce ne sont ni les animations ni la diffusion
d'une information en direct, c'est l'hypertexte (un
espace non fermé et l'absence de linéarité)
et la mise en page Web (encart, tableau, multi-fenêtrage,
typographie). L'hypertexte ne réfère
pas seulement à la possibilité d'aligner
des grandes quantités de liens vers des serveurs
externes. Ce qui reste à inventer, c'est beaucoup
moins une écriture "multimédia" (terme
qui ne veut pas dire grand chose) qu'une écriture
hypertextuelle.
Pensons aussi au courrier électronique :
il n'est pas du tout évident que l'écriture
d'un bulletin diffusé par mail soit la même
que celle d'une page ou d'un ensemble de pages Web.
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Une piste à suivre pour le journalisme d'investigation.
Vous mettez sur votre site Web non seulement le produit
final, mais aussi votre recherche : des conversations
et entrevues que vous avez enregistrées au
téléphone ou à la caméra;
les photos que vous avez prises; des hyperliens vers
des documents de références disponibles
sur le Web; des documents qui vous ont été
faxés. Bref, ce dossier de 50 cm de hauteur
que vous avez concentré dans un papier de trois
feuillets.
Ainsi fonctionne, un peu, le service des nouvelles
du réseau anglais de Radio-Canada. C'est ce
qu'avait fait le San Jose Mercury news sur son site,
dans l'affaire CIA/Contras nicaraguaiens/trafic de
drogue.
Un intérêt: la réputation
des journalistes est mise à rude épreuve
ces dernières années. Si le "lecteur"
avait accès à ses sources, ne serait-il
pas en mesure d'évaluer la qualité de
son travail ?
Des risques.
- Si à chaque interview écrite correspond
le document audio original, le lecteur risque de ne
pas comprendre qu'une réécriture - même
légère - est motivée par la volonté
de faire passer l'esprit d'une déclaration,
plus que sa lettre parfois sujette à ambiguïté.
Quel serait alors le rôle du journaliste ? Poser
les bonnes questions ? Quant aux sujets techniques,
le "lecteur" a souvent besoin de la médiation
du journaliste qui est là pour "traduire, "vulgariser"
des explications parfois complexes.
- Autre risque : donner l'impression qu'un papier
n'est vrai que lorsqu'il s'appuie sur des sources
publiables. Or on ne peut tout publier. A l'inverse,
publier des sources trafiquées dans un tel
contexte donnerait à peu de frais un gage d'authenticité
plus fort encore à une manipulation quelle
qu'elle soit. Un document internetisé n'est
pas forcément un gage de crédibilité,
pas plus qu'une image vidéo, dont on sait qu'elle
est très facile à bidouiller. Pas plus
qu'un article publié sur du papier.
- Mieux vaut peut-être que cette présomption
de vérité repose sur un lien de confiance
entre le lecteur et un média reconnu pour son
professionnalisme et sa (générale) exactitude.
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ÉCRIRE
LONG OU ÉCRIRE
COURT ? |
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Qu'est-ce
qui est "court", qu'est-ce qui est "long": ce qui
est long pour le Parisien risque d'être vraiment
court pour Le Monde. Même chose pour France
Culture et Europe 1, etc.
Faire court?
- Faire court consiste souvent à transposer
sur Internet des principes d'écriture de la
presse papier. Des principes qui reposent sur des
contraintes -le manque de place, le coût d'une
page supplémentaire- qui n'existent pas sur
Internet.
- Supposons (il en existe) un webzine composé
d'articles de 20 lignes maximum. Aucune profondeur,
aucune analyse. Des faits bruts. Le rôle du
journalisme est-il de se cantonner dans la relation
de faits ? Ces faits bruts peuvent néanmoins
avoir un intérêt si l'on ne trouve pas
les mêmes sur n'importe quel autre site. Or,
tous les sites qui veulent faire un tant soit peu
d'audience produisent -mais plus généralement
diffusent- ce type d'informations brèves (souvent
des dépêches). C'est le cas des sites
"portails" (Yahoo par exemple).
- Faire court, ça peut être une question
de présentation. Vaut-il mieux écrire
cinq pages Web de 10 k sur un même sujet, ou
une page qui en fait 50? Une longue page ne risque-t-elle
pas de décourager les lecteurs ? C'est alors
une question de structuration de l'information (dossier
à tiroirs).
- On ne peut pas déconnecter cette question
de l'acte de lecture. Lire à l'écran,
c'est inconfortable, dur pour les yeux. Donc il faut
faire court. Si c'est pour imprimer, autant acheter
son journal.
Faire long?
- Il y a une audience pour des pages longues sous
certaines conditions : que ce soit des pages à
contenu, c'est-à-dire des analyses en profondeur.
D'autant plus que la majorité des lecteurs
disposent d'une imprimante et l'utilisent, ne serait-ce
que pour économiser des frais de connexion.
C'est sans doute par cette voie que les journalistes
trouveront leur place, face à des distributeurs
d'information comme Yahoo. Un des moyens pour les
journalistes de s'imposer sur le Web -et d'imposer
en même temps leur déontologie, leur
indépendance et leur rigueur de traitement-
est de se distinguer de la masse des autres sources
d'information, en développant des analyses
exclusives, en prenant le temps d'expliquer, en se
risquant à faire des commentaires, à
prendre position...
- Tout dépend de l'objectif défini par
l'équipe éditoriale: pense-t-on que
le lecteur va consulter l'information en ligne tout
de suite, ou plus tard en l'imprimant ou en la sauvegardant
? De cette estimation dépendra la longueur
de l'article. Il s'agit donc d'un vrai choix éditorial
(être lu tout de suite ou plus tard) spécifique
à la presse en ligne. Sur quels critères
va-t-on décider que l'information doit être
consultable on-line ou on-line? Voilà une nouvelle
question éditoriale, un nouveau critère
de hiérarchisation pour des journalistes.
Question d'arborescence
L'arborescence est un aspect majeur de l'écriture
multimédia. Une mauvaise arborescence et l'article
(long ou court) ne sera jamais lu.
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QUELLE
PARENTÉ
AVEC LES MÉDIAS
TRADITIONNELS ? |
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Le Web est proche de la presse écrite.
- Sur Internet, on parle de la maquette, d'une Une
visuelle. La méthode de production est la même
: mise en page, création et renouvellement
de la Une sont autant d'étapes que l'on retrouve
dans la presse écrite.
- De la même façon, avec l'hypertextualité,
on peut se contenter de lire le premier niveau d'information.
Comme sur le papier on lit le titre, le chapô
et les premiers paragraphes.
En matière d'écriture, le style
a beaucoup de points communs avec la radio. Phrases
courtes, textes courts, syntaxes simples semblent
être les critères les plus adaptés
pour faciliter la lecture sur le Net, et donc sur
écran. Le texte sur le Web doit être
plus percutant que le texte sur papier. On s'approcherait
plutôt de l'écriture type dépêches,
"bref et complet", "une phrase, une idée".
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LA
LÉGITIMITÉ
DES JOURNALISTES |
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Le problème que les journalistes rencontrent
sur le net en est un de légitimité.
N'importe qui peut écrire n'importe quoi sur
le net. Cette liberté d'expression que donne
le Web portera-t-elle un coup les monopoles étatiques,
politiques ou éditoriaux et sonnera-t-elle
le retour des médias spontanés, variés
et nombreux, tels qu'en a connus la France par exemple,
aux XVIIe et XVIIIe siècles, avant la naissance
de l'industrie de la presse
? Certains pensent
qu'il s'agit là d'une vraie utopie. Il y a
eu de tout temps des médias alternatifs pour
dénoncer une "pensée unique". Ils n'ont
souvent rejoint qu'un public marginal. Les "alternatifs"
du Web n'auront jamais la puissance financière
des grands groupes de presse.
Autre question, la transparence des sources.
Quand un internaute tombe sur un document sans aucune
information sur l'auteur, il est en droit de se poser
des questions sur la légitimité du document,
voire du site entier. Transparence n'implique pas
de dévoiler ses sources. C'est dire qui on
est, quel est le but du site et donner des sites en
référence.
Des sites comme celui de Matt Drudge, comme Broadcast.com,
comme celui d'IBM (169 millions de connexions
lors des jeux de Nagano) diffusent de l'information,
sans employer de journalistes, et réalisent
des scores d'audience supérieurs aux sites
développés par les médias traditionnels.
Comment réagir?
- En apposant un logo sur le site pour labéliser
une information répondant à l'éthique
journalistique? C'est ce qui se fait déjà,
naturellement. Lorsque on lit une information signée
par exemple "AFP" ou "Le Monde", on est en présence
d'un label.
- Pour certifier l'information, ne faut-il pas simplement
la faire payer au lecteur ? Serait-il prêt à
payer pour lire de l'information "certifiée"?
C'est une formule qui semble bien fonctionner sur
le Web pour les journaux économiques. Les entreprises
de presse ne pourront pas continuer indéfiniment
à perdre de l'argent sur le Web, et elles n'ont
rien à gagner à se vendre à des
annonceurs.
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Comment rendre l'interface agréable et développer
le confort de lecture? Déjà en évitant
d'écrire en noir sur fond blanc: c'est le plus
mauvais rapport de couleurs à l'écran.
Question de format. Avec la tendance actuelle
des logiciels de manger presque tout l'écran,
on se retrouve souvent avec une toute petite fenêtre
d'information. Or, nous sommes capables d'appréhender
quasi instantanément l'organisation d'une grande
page de journal. Et cette capacité, fondamentale
pour la lecture de l'information, n'est pas mise à
profit sur le Web.
Existe-t-il des règles de mise en page sur
le Web comme il en existe sur papier? Par exemple
sur l'utilisation de "frames". Les frames, il est
vrai, compliquent souvent la consultation au lieu
de la simplifier: il faut jongler pour placer un signet,
on a du mal à imprimer, retrouver l'historique
de sa consultation relève du miracle, etc.
En principe la presse est experte dans la maîtrise
des habitudes de lecture. On pourrait penser qu'il
devrait en de même pour les habitudes de consultation
en ligne.
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LE
RAPPORT AU LECTEUR INTERNAUTE |
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Différents modes de lecture
Il faut distinguer les lectures "attentives" du journal,
et les lectures "superficielles", celles où
l'on se contente de zapper. Dans le premier cas, la
version papier reste plus pratique. Dans le deuxième,
Internet apporte un choix plus grand, une variété
d'informations plus vaste.
Pourquoi un étranger a-t-il envie ou besoin
de lire un journal français?
- Soit il cherche à savoir la réaction
de l'opinion française sur un événement
qui a eu lieu chez lui,
- soit il cherche à savoir ce qu'il se passe
en France,
- soit il cherche à savoir si l'information
française qu'il a eu dans son journal est traitée
de la même manière en France,
- soit il sait, parce qu'il en connaît déjà
la ligne éditoriale, qu'il y trouvera un angle
de traitement différent,
- soit il y trouve des compléments d'information
à une nouvelle traitée en brève
par une agence de presse dans son journal local,
- soit il souhaite pratiquer la langue.
L'interactivité avec le lecteur
- Les lecteurs internautes peuvent contacter directement
l'auteur de l'article qui les a fait réagir.
Quel courrier un journaliste en ligne trouve-t-il
dans sa boîte? Bien sûr, il y a les traditionnelles
banalités ou réactions extrémistes
mais il y a aussi des propos pertinents, des propositions
de sujets, des relances de débats... et des
témoignages (par exemple lors des grèves
lycéennes). Au final, cela peut donner une
information différente.
- Au dialogue avec le lecteur s'ajoute la mise en
place d'espaces d'échanges comme les forums.
L'animation éditoriale de ces outils permet
d'une part d'approfondir l'article passé à
la coupe pour cause de place et d'autre part, de nouer
contact avec des communautés d'intérêt.
Un exemple avec Arrêt sur image: sur demande
de nombreux téléspectateurs, le site
a mis en ligne des informations complémentaires
à une interview de Maurice Lévy, et
notamment un extrait du Canard Enchaîné
traitant du même sujet. Une illustration de
la capacité du Net à "élargir"
les autres médias.
- L'interactivité télévision
+ net risque d'être un nouveau "courrier des
lecteurs" totalement biaisé, sélectif
et orienté, ou Internet sera un alibi. Surtout
si les forums en question sont modérés
(celui de Marianne-en-ligne est un des rares à
ne pas l'être).
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ET
PUIS AUSSI (liens externes) |
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un article d'André Bélanger: "Ecrivez-vous
Web?"
une page regroupant des essais
de scénarisation multimédia

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