les autres conférences du CREDAM
Bernard
Miège, Connaître les médias, éduquer
aux médias
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13
juin 2002
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Je me suis assez rarement préoccupé d´éducation aux médias,
tout en en reconnaissant l'importance. Il existe deux exceptions
cependant, la première est liée à des demandes ponctuelles
du CLEMI ou de l'université de Grenoble ; la seconde intervint
lors d'un Colloque du Conseil de l'Europe à Moscou en 1994
sur " la fonction éducative des médias ". Je notai en particulier
que l'approche de l'appropriation des médias permettait
au moins de se dégager de la constante critique manipulatoire
faite à ces derniers. J'ai remarqué à cette occasion qu'il
n'est sans doute pas dommageable que l'information et l'éducation
ne soient pas toujours clairement dissociés dans les actions
de l'éducation aux médias. Je vais reprendre certains thèmes
abordés à cette occasion, en me concentrant sur l'importance
de la connaissance des médias dans une optique d'éducation.
Distinguer
médias et techniques de communication
À
tous points de vue, nous avons intérêt de bien distinguer
les médias et les techniques de l'information et de la communication
(TIC), même si nous ne savons pas lesquelles parmi les nouvelles
technologiques donneront lieu à des médias, et même si nous
envisageons dorénavant des nouvelles formes de médias, plus
interactives, plus individualisées. Aussi ne me limiterai-je
pas aux médias. Faut-il en ce sens suggérer au CLEMI d'élargir
son champ et son titre en ajoutant le mot " communication
", ce qui donnerait : CLEMIC ? Ce n'est pas une boutade,
mais cela suppose de ne pas y appliquer les mêmes principes,
réglementaires et déontologiques.
Pour
une didactique de la communication
Ma
démarche est inverse de celle couramment retenue : on s'efforce
généralement, pour des besoins d'ordre éducatif, de faire
appel aux médias, de les mobiliser, de faire comprendre
leurs spécificités et de faciliter l'accès à leurs " textes
". C'est le plus souvent la démarche retenue, ce qui historiquement
est tout à fait compréhensible, notamment parce qu'il a
fallu lutter contre une résistance forte de l'appareil éducatif
envers les médias.
Je
propose de renverser cette perspective et de partir de la
connaissance que nous avons des médias. Pour justifier cette
attitude, je dois préciser que je ne suis pas un spécialiste
de l'éducation, au moins jusqu'à l'université, et encore
moins un pédagogue. Je me présente donc en didacticien de
la communication, et plus largement en didacticien des sciences
de l'information et de la communication (SIC), où tout,
ou presque reste à faire. Les SIC sont suffisamment constituées
pour proposer aujourd'hui une didactique, donc une diffusion,
une valorisation de leurs connaissances au sein de l'appareil
éducatif.
Pourquoi
une didactique ?
Se
faire didacticien de la communication, suppose de partager
certaines convictions ou croyances fortes. Les SIC doivent
disposer d'un fonds de connaissances suffisantes et communicables.
Ce fonds de connaissances est utile pour l'éducation aux
médias, qui ne doit plus se contenter de témoignages, de
références, de textes émis par les professionnels sur leurs
pratiques et des normes professionnelles, car les universitaires
peuvent maintenant proposer leur apport des connaissances
sur les médias et les TIC. Il y a urgence à réduire la distance,
voire le fossé entre les connaissances disponibles, nécessairement
hésitantes, peu affirmatives, sujettes à controverses mais
réelles, et les discours publics sur les médias, qu'ils
émanent des professionnels ou des citoyens, tous plus ou
moins assurés sinon déterminés dans leurs convictions concernant
le rôle et le fonctionnement des médias.
Cette
valorisation d'un nouveau genre est indispensable pour le
débat démocratique. De la part des chercheurs, elle suppose
autrement plus de courage civique que de discourir dans
les médias sur Loft Story et la néo-TV. Il est nettement
plus complexe de parler de la communication politique, de
la perte des valeurs et de l'influence des médias, d'autant
que les chercheurs qui osent aborder ces sujets ne sont
en général pas ou peu écoutés. Avoir des convictions ne
signifie pas que toutes les conditions de cette diffusion
soient réunies. C'est loin d'être le cas, mais il me semble
cependant qu'il faut s'y engager.
Limites
actuelles d'une diffusion large des connaissances sur les
médias
Ceci
étant, je ne fais pas de choix précis entre l'éducation
aux médias et une popularisation plus large des connaissances
sur ces derniers, et pour une raison au moins. Les enseignants,
relais indispensables, demeurent parmi les citoyens les
plus convaincus de la " nocivité " des médias et restent
dubitatifs quant à l'intérêt de connaître et d'accéder à
des savoirs sur les médias. Leur résistance est a priori
davantage citoyenne que corporatiste. Cela rend donc difficile
une éducation aux médias qui s'appuierait sur les connaissances
disponibles dans la communauté universitaire et enseignante.
Les
connaissances disponibles ne sauraient d'autre part être
surestimées, d'autant qu'une partie des universitaires continue
à afficher une distance fondée sur les humanités (modernes)
face à toute méthodologie scientifique. D'autres cultivent
l'ultra spécialisation, d'autres encore, une forme de radicalisme
politique teintée de corporatisme universitaire. Pour autant,
les connaissances ne sont pas si négligeables. Le fait que
les " grands " professionnels de l'information et de la
communication ignorent parfois ces connaissances par condescendance
ou pusillanimité, les jugeant inutiles, donne peut-être
une justification supplémentaire de les " diffuser ". D'autant
qu'un grand nombre de journalistes sont prêts à entendre
ce que peut dire la communauté scientifique concernée.
De
nouveaux objets pour l'éducation aux médias
Sur
quels objets pourrait, a priori, porter la popularisation
des recherches ? Tout d'abord, et c'est sans aucun doute
le moins impliquant, on doit envisager la connaissance du
système médiatique en lui-même.
Le
système médiatique
On
envisage en effet le plus souvent les médias un par un,
sans tenir compte ce qui les réunit, voire les conduit à
fonctionner tel un système. La faiblesse, sinon le déclin
de la presse quotidienne en France a des répercussions sur
la presse magazine ou gratuite et s'analyse en tenant compte
du rôle de la télévision. Les médias évoluent conjointement,
ils s'interpénètrent, ils sont à la fois concurrents et
complémentaires. Les découpages et pratiques professionnels
comme les exigences déontologiques diffèrent d'un média
à l'autre mais ne sauraient dissimuler cet état de fait.
C'est un point essentiel pour comprendre les spécificités
du système médiatique français.
Cela
m'est apparu très fortement en participant, il y a quelques
années, à l'élaboration d'un dictionnaire européen demandé
par un institut allemand qui regroupait des synthèses concernant
les médias de chaque pays. Des différences considérables
apparaissaient en fonction des pays, mais observait aussi
que le système médiatique de chaque pays expliquait l'évolution
de chaque média. La connaissance du système médiatique est
par ailleurs une façon d'appréhender le fonctionnement de
l'espace public, ce qui me paraît important en éducation
aux médias.
Apprendre
des images et des sons
Le
CLEMI a beaucoup travaillé sur l'apprentissage des images
et des sons. Je suis loin d'innover en proposant cette piste
pour la didactique de l'éducation aux médias. Une relance
me paraît néanmoins nécessaire, car l'apprentissage des
images et des sons est souvent l'¦uvre de démarches individuelles
et d'initiatives isolées au sein des collèges et des lycées.
D'autre
part, même si la télévision et le cinéma sont dominants
en tant qu'objets de connaissance, il faut se placer dans
la perspective du multimédia. Il faut en souligner la faible
potentialité actuelle d'innovation, malgré les discours
technicistes qui présentent les nouvelles technologies comme
innovantes. En ce sens, le multimédia tel qu'on peut l'imaginer
n'est véritablement observable que dans les jeux.
L'intérêt
de l'étude des images et des sons doit donc être renouvelé,
d'autant que les enseignants qui entendent s'y intéresser
trouvent désormais un soutien de la part de la communauté
universitaire. Il est sans doute stratégiquement utile de
laisser se dérouler des réalisations et expérimentations
en tous sens, plus ou moins à l'initiative des enseignants
isolés et dispersés, mais cela mérite d'être relayé, conforté
et appuyé " scientifiquement ". Trop rares sont les universitaires
et leurs étudiants qui cherchent à se lier à des réalisations
scolaires dans leurs recherches. Il faut articuler les deux
démarches.
La
question de l'influence des médias et des TIC
Le
sujet de l'influence des médias et des nouvelles technologies
est très controversé. Je ne distinguerai pas entre les premiers
et les secondes. Les TIC sont en effet parfois moins suspectées,
considérées comme plus ouvertes et plus permissives, sauf
lorsqu'il est question de les utiliser dans les cours. Cette
question de l'influence ou des effets est en fait de loin
la plus abordée par les auteurs depuis la petite enfance
des SIC. Par delà les oppositions théoriques fonctionnalisme
empirique américain, courant cybernétique, démarche linguistique
structurale ou non , on peut considérer qu'une majorité
d'auteurs à bien distinguer des essayistes, des publicistes
militants et des ligues de protection qui se concentrent
sur la " nocivité " des médias, ne " démonisent " pas les
médias. Ils ont dans l'ensemble montré qu'il fallait distinguer
propagande et manipulation d'un côté, et fonctionnement
des médias de l'autre.
En
se gardant de tout laxisme, l'éducation aux médias devrait
s'attacher à ne pas mettre sur le même plan les " effets
" à court terme qui sont invérifiables tels que la perte
du sens des valeurs, les meurtres commis à la suite du visionnage
de films, les perversions, les changements des opinions
politiques, et les structurations auxquels ils contribuent
sur la longue durée. Nous ne pouvons imputer aux médias
qu'une contribution qui s'inscrit sur la longue durée comme
la fragmentation de l'espace public, la médiatisation de
la communication, etc.
En
revanche les effets à court terme généralement présentés
comme pervers ou nocifs (comme ce qui s'est dit récemment
sur la pédophilie via Internet), avaient été dénoncés précédemment
avec d'autres médias comme le cinéma ou la télévision. Ce
discours n'est relayé massivement que par les psychologues
ou les psychanalystes ; les spécialistes des autres sciences
humaines et sociales sont plus réservés. En ce sens, l'imputation
d'effets directement causés par les médias ou les TIC est
à mon avis le signe d'une " pensée courte ".
Une
éducation à la diversité des médias
En
outre, je peux en tant que citoyen, prôner un modèle de
journalisme comme quatrième pouvoir, représenté à mes yeux
par deux ou trois grands titres nationaux, et estimer que
le journalisme d'investigation devrait fonctionner plus
largement ; mais c'est une chose d'avoir cette perspective
pour le journalisme, mais c'est tout une autre chose que
de prendre en compte la sphère des médias, dans sa diversité,
une diversité qui va perdurer malgré tous les discours contraires.
On
ne peut assimiler les médias au fonctionnement de quelques
discours douteux. Faut-il ignorer la presse gratuite, qui
ne correspond pas à ce modèle et qui pourtant a ou aura
de plus en plus de succès auprès des lecteurs plus jeunes
? On ne peut se contenter de juger qu'il s'agit d'une presse
d'annonce et en rester là. Faut-il à la fois montrer qu'historiquement
la presse d'opinion ne pouvait fonctionner sans une forte
contribution financière de ses lecteurs et flatter une approche
gratuite d'Internet quitte à mettre les portails entièrement
sous la coupe des financements publicitaires ?
Le
financement et les logiques de communication
Le
financement des moyens d'information est un autre élément
clé dont on ne peut faire l'économie dans une éducation
aux médias. Sur la scène publique, de telles analyses sont
suspectes, ce qui n'empêche pas une majorité de journalistes
de les admettre en privé. L'éducation aux médias ne doit
pas se conformer à une hypocrisie corporatiste. La question
du financement par les usagers est à aborder.
Je
peux émettre la même remarque à propos des rapports entre
journalisme et communication, entre journalistes et communicateurs.
Une grande partie des personnels de la communication ont
été journalistes d'information. Si on doit conceptuellement
les séparer, il existe malgré tout dans les faits une interpénétration
des deux corporations. Il ne s'agit pas de justifier cet
état de fait, mais d'en dépasser le constat. Le nier parce
qu'il correspond aux modèles bien ancrés ne sert à rien.
Toutes ces données sont à intégrer dans une discussion sur
l'influence des médias. De ce fait, il est plus que jamais
nécessaire de ne pas se modeler sur une vision des médias
qui prend sa source auprès de la grande presse nationale,
ou de ce qu'il en reste.
La
communication politique
Parallèlement,
la problématique de la communication politique émerge. N'est
pas acceptable la confusion entretenue entre les médias
eux-mêmes et les actions relevant de la communication politique
dont les agents, dans l'ombre et en toute impunité, c'est
à dire sans contrôle, tirent les ficelles, depuis les conseillers
et consultants jusqu'aux instituts de sondages, sans oublier
quelques vedettes du journalisme défendant une certaine
stratégie politique. À terme, cette confusion est de nature
à faire perdre de vue que le pluralisme des médias va avec
la démocratie.
À ce propos, en France, il ne faut pas oublier la lourde
histoire de suspicion, récurrente vis-à-vis des médias,
et le souci, dans les années 30, de moraliser le fonctionnement
de la presse et de créer les conditions matérielles favorisant
les journaux d'opinion face à la grande presse corrompue.
Ceci explique encore largement aujourd'hui l'attitude méfiante
des enseignants et la confusion entretenue entre les médias
et les stratégies de communication politique.
D'où
l'importance pour l'éducation aux médias de bien identifier
et de mettre à jour les stratégies de communication politique,
sans les confondre avec le traitement qu'en font les médias.
La communication politique doit être présentée, discutée
et critiquée comme telle et non via les médias qui subissent
des man¦uvres souvent subtiles ; elle n'est pas un phénomène
accidentel ou passager. Certes, les connaissances universitaires
sont peut-être encore assez limitées.
La
société de l'information
Voilà
un qualificatif commode, apparemment anodin, largement employé
parce qu'il symbolise la modernité technologique qui pourrait,
qui devrait même faire l'objet d'un travail éducatif en
profondeur ; cela donnerait des résultats intéressants.
Non seulement l'expression peut être critiquée comme inadéquate,
portée par des essayistes, mais elle conduit surtout à avaliser
des positions pour le moins ambiguës, à la base des programmes
du G 8, de l'Union Européenne, etc. La première démystification
de la société de l'information serait de signaler qu'elle
bénéficie d'une vaste promotion par les États les plus puissants.
Plus profondément, elle est problématique parce qu'elle
promeut la société propre, la fin du travail pénible, l'immatériel
comme source de richesse et de valeur.
Pourtant,
contrairement à ce qui se passe en Europe, il existe dans
le monde de plus en plus de travailleurs manuels. L'appellation
société de l'information valorise une idéologie néo-technicienne,
la technique apparaissant comme moteur du développement
social. Elle surévalue enfin le rôle de la médiatisation
dans l'approche de la communication.
Les
industries culturelles
La
formule " le cinéma est à la fois un art et une industrie
" nie le fait que les activités artistiques utilisent des
moyens techniques et font l'objet d'une reproduction industrielle.
Cette formule chère à Malraux qui se pose sur le mode de
l'évitement est heureusement critiquée. Mais s'il faut se
féliciter de voir la question des industries culturelles
est enfin prise en compte publiquement depuis les manifestations
de Seattle, elle est cependant présentée de façon approximative
et parfois erronée.
On
peut mettre en exergue quatre erreurs principales :
On fait comme si on assistait à la naissance des premières
industries culturelles alors que leur histoire est déjà
très longue et fournie. On présente les industries culturelles
comme l'apanage des grands groupes, alors que le système
de l'oligopole et de la fourmilière fonctionne dans plusieurs
filières depuis longtemps.
On présente aussi la création artistique comme incompatible
avec l'industrie, attitude récurrente des milieux intellectuels
mais directement démentie par toute l'histoire ou presque
du cinéma.
Matériels et contenus sont présentés comme identiquement
envisagés par les industriels, ce qui ne se vérifie pas.
On oublie que la mobilisation des contenus, attendue et
espérée depuis le début des années 1990, a connu quelques
difficultés, déboires et mêmes désillusions.
Est-il
besoin de citer les exemples d'Amazon.com ou de Vivendi
? Ils traduisent tous les spécificités récurrentes des industries
culturelles, que la théorie du même nom a pourtant décrites
depuis deux ou trois décennies. Il convient donc de montrer
que nous sommes entrés dans une phase nouvelle, où un élan
est incontestablement donné à l'industrialisation de la
culture et de l'information, avec des traits particuliers
: relation avec les TIC, transnationalisation recherchée,
formation de groupes de communication contrôlant de plus
près les filières culturelles et informationnelles (en raison
du caractère désormais stratégique de ces productions, "
fer de lance " des services immatériels), et recherche de
nouveaux champs à valoriser, comme par exemple l'éducation.
Une
approche communicationnelle des TICE
Je
plaiderai pour qu'il y ait une approche communicationnelle
des techniques d'information et de communication pour l'éducation.
Le discours actuel dominant est d'ordre pédagogique ou cognitif.
Il donne lieu à la très grande majorité des études, mais
je pense qu'il y a, à coté place pour une approche communicationnelle.
Au
delà des appréciations pédagogiques qui ne les concernent
pas, et des interrogations socio- institutionnelles, les
SIC peuvent aider à ne pas inscrire les TICE comme un tout
indifférencié, d'abord en interrogeant la catégorie " industrialisation
de l'éducation " qui recouvre quatre orientations qu'on
ne peut mettre sur le même plan, à savoir :
le développement de télé-services qui accompagnent l'offre
de formation actuelle,
l'accès à des ressources en libre-service, favorisant des
pratiques individualisées,
le recours à des produits standardisés, correspondant plus
ou moins à des cursus existants,
l'appel à des produits élaborés, notamment pour la formation
continue ou tout au long de la vie, qui rencontrent actuellement
des difficultés de lancement (mais qui correspondent stricto
sensu, à l'idée " d'université virtuelle ").
Seules
les deux dernières catégories, pour le moment de loin les
moins fournies, représentent stricto sensu l'activité relevant
des industries culturelles. On se forme spontanément au
maniement des outils, en auto-apprentissage. Mais les compétences
réellement acquises devraient être vérifiées et mieux connues.
Autre perspective, celle offerte par le maniement des outils
d'information et de communication. Les apprentissages techniques,
la maîtrise des outils et surtout les pratiques effectives
devraient donc être analysés et interprétés du point de
vue des compétences communicationnelles acquises. C'est
une perspective difficile à mettre en oeuvre, peu habituelle
et qui a encore rarement donné lieu à des travaux de recherche.
En dépit de cela, il convient de s'y engager, y compris
de façon expérimentale. Je suis assez convaincu que l'approche
communicationnelle peut se révéler rapidement heuristique,
face aux visions pédagogiques de certains éducateurs et
aux conceptions technicistes des concepteurs- informaticiens,
toutes aussi critiquables . Il n'est pas sûr cependant que
la communauté universitaire concernée se mobilise facilement,
certains pensant avoir sans doute mieux à faire qu'à expérimenter.
Savoir
et savoir faire
Finalement,
je vous ai peut-être convaincu de l'opportunité de ce renversement
de perspectives et de l'intérêt de faire une place spécifique
aux SIC dans l'éducation aux médias. Il me semble toutefois
que j'emporterai plus facilement votre conviction si je
vous avais également proposé une méthodologie didactique.
Je ressens mes limites de ce point de vue, même si évidemment
les perspectives que je trace postulent une éducation ouverte,
cherchant l'initiative personnelle, la pratique des médias
et des nouveaux supports.
Je
marquerai ma différence avec certains en ajoutant que les
médias et les TIC, contrairement à ce qu'implique l'idéologie
libérale-libertaire, nécessitent des apprentissages fondés
autant sur les savoirs que sur les savoir-faire. J'ai surtout
mis l'accent sur les connaissances nécessaires car ce positionnement
est peu fréquent et en fait préjudiciable à une insertion
des médias dans la société.
Mais
vous m'accorderez que je suis tout aussi favorable à la
maîtrise des outils. C'est pourquoi j'ai toujours défendu
et encouragé les enseignements professionnalisés ; j'ai,
parmi les premiers, pris part à la création de plusieurs
d'entre eux. On m'accordera donc que je ne néglige pas les
savoir faire, mais à condition qu'ils ne donnent pas lieu
à des pratiques empiriques où la coopération avec des professionnels
dissimule un refus de l'élaboration théorique et d'une compréhension
approfondie des phénomènes en jeu.
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