Retour à la page d'accueil
Quoi de neuf ? Se former Semaine de la presse
Le programme fax Nos publications Dans les classes En liaison avec les médias

La Hague: lecture et commentaires

 

 

 

 
  • Le contexte

Un sujet de journal télévisé s’apprécie notamment :

1. dans le contexte de l’offre globale d’information,
2. dans sa relation à un ou d’autres sujets sur le même thème et,
3. en fonction de la position qui est la sienne dans le conducteur*.

L’offre d’information. Le 20 octobre 2002, la rédaction d’ARTE Info a retenu la publication d’un rapport sur les risques pour la santé, liés au nucléaire. Ce rapport, rédigé par des spécialistes du G.R.E.N.C. (Groupe Radio Ecologie Nord-Cotentin), mettait en évidence une possible corrélation entre un taux élevé de cas de leucémies et l’activité nucléaire de la région Nord-Cotentin où se trouve une usine de retraitement de déchets nucléaires (usine Cogema de La Hague).

Relation du sujet à une autre information. Le sujet, « La Hague, le mystère demeure » est traité dans le JT du 20 octobre 2002 après un reportage sur une manifestation antinucléaire à Strasbourg. Ce rassemblement organisé par le réseau « sortir du nucléaire » avait réuni plusieurs milliers de personnes venues d’une dizaine de pays européens.

Position dans le conducteur. La manifestation de Strasbourg arrive en troisième position, après deux sujets politiques : le référendum en Irlande et les élections au Montenegro. Le sujet sur la Hague occupe la quatrième position.

Justifiez le choix du sujet par la rédaction, sa relation au sujet qui précède, sa place dans le conducteur.

Commentaire. Le reportage sur La Hague fait référence à un sujet très sensible pour les Européens (le risque du nucléaire civil) et prend pour objet d’étude un lieu emblématique, la Hague, souvent qualifié par les écologistes de « poubelle nucléaire de l’Europe ». Ce sujet constitue le second volet d’un dossier de société dont le premier volet est événementiel, les manifestations de Strasbourg. La relation entre ces deux sujets est logique : la sensibilité des citoyens aux risques induits par le nucléaire conduit à une réflexion documentée sur les conséquences de l’utilisation de ce type d’énergie. Le positionnement du dossier dans le conducteur témoigne bien de l’importance accordée par les Européens au thème traité.

  • La mise en forme du sujet

La mise en forme du sujet est classique, en termes d’organisation, de disposition des différentes parties, de choix des intervenants. Sur ces différents points, quelles observations pouvez-vous faire ?

Organisation du sujet. Il est construit, comme beaucoup de sujets d’informations sur un mode ternaire : trois parties bien identifiées suivies d’une conclusion. Identifiez ces parties en vous reportant à la transcription.

Parfois, la construction d’un sujet s’accorde au schéma de l’argumentation (le pour, le contre et la résolution des contraires). Peut-on dire que le sujet traité procède de la même intention ?

Commentaire. Dans le sujet sur la Hague, la construction tripartite ne vise pas véritablement une argumentation. Elle sert à illustrer un débat. Dans ce débat, chacun reste sur ses positions (lesquelles ?) et le doute subsiste (lequel ?). Contrairement à l’argumentation qui débouche sur des propositions, le débat est souvent, comme ici, circulaire et non conclusif (cf. les derniers mots de la journaliste : « On ne sait toujours pas pourquoi … »).

Disposition interne. Les trois parties du reportage fonctionnent –comme la plupart des sujets d’information- sur le mode de l’alternance :  sonores*  suivies d’entretiens. Dans les sonores, distinguez la part qui revient à l’information sur le thème, et la part qui revient aux liaisons (transition avec l’entretien qui précède et introduction de l’entretien suivant). Soyez attentifs aux images qui concluent les commentaires. Est-ce qu’elles facilitent les transitions ? Comment ?

(Au plan strictement sonore, on notera que les transitions sont facilitées par la technique du montage croisé qui consiste à faire entendre sur une durée très courte la voix de la personne interviewée avant que celle-ci n’apparaisse à l’écran. Ceci pour mieux lier images et son et donner de la fluidité aux enchaînements.)

Choix des intervenants. Trois personnes sont interviewées. Ce chiffre trois, tout comme la qualité des intervenants, sont caractéristiques de nombreux sujets d’information : on interroge de préférence des autorités et des experts.

C’est le cas ici : la parole est donnée à un responsable de la Cogema, à un scientifique et à un représentant de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest de la France.

Ce « tour de table » vous paraît-il légitime ? Justifiez le choix de la journaliste ou faites, si vous le souhaitez, d’autres propositions.


Le traitement du sujet

L’écriture audiovisuelle du sujet procède de choix différents pour chacune des parties du reportage consacrées aux commentaires. Visionner les images d’illustration qui accompagnent les commentaires de la journaliste. Qu’est-ce qui les caractérise ?

Sonores 1. « Le cap de la Hague … les responsables de la Cogema ». Les images ont ici pour fonction de « planter le décor » (comment ?) et de signaler une menace (laquelle?).

Commentaire. L’usine de la Hague, présentée dans son environnement immédiat, apparaît comme une pièce rapportée dans le décor (« l’intruse »). On joue sur l’opposition entre les couleurs (le vert des pâturages et la blancheur froide du béton), les constructions (l’architecture traditionnelle des maisons de l’Ouest de la France et les volumes massifs et géométriques de l’usine), les paysages (la vaste étendue des champs et le périmètre clos de murailles et de barbelés de l’usine), etc. Ces contrastes soulignent une menace : l’usine, présence inquiétante, pourrait fort bien nuire à la santé des riverains.

Cette partie introductive du sujet est composée de sept plans. Un de ceux-là se distingue par son caractère dynamique, le plan central (N°4), panoramique de gauche à droite. Identifiez ce plan. Quelle signification lui donnez-vous ? Quel est le texte qui lui correspond ?

Commentaire. Le plan N°4 a pour fonction de décrire l’usine et l’espace qui l’entoure. L’intention affichée par ce mouvement d’appareil est de mettre en relation, en fin de course, l’usine et des maisons d’habitation, au moment même où la journaliste dit : « une concentration qui soulève des questions en matière de santé et d’environnement ». C’est par cette ponctuation forte de l’image et du son que la menace est mise en évidence.

Imaginez une autre introduction en images. Comment auriez-vous construit cette partie et avec quels plans pour mieux expliciter le contexte physique : relation de l’usine à la mer toute proche, aux villages alentour, etc. ?

Sonores 2. « Comme cette herbe … ses conclusions restent quand même incertaines ». Quel est le parti pris d’illustration du commentaire en images pour cette partie ?

Commentaire. La journaliste choisit la redondance entre l’image et le texte, procédé pratique pour expliquer la procédure minutieuse qui préside au travail scientifique : du recueil d’échantillons à l’analyse en laboratoire de ces échantillons. La procédure est décrite en séquences. Chaque séquence forme un tout grâce aux raccords entre les plans et aux décadrages (ex. de raccord : on voit des mains armées de cisailles qui coupent l’herbe puis on voit, en plan large, la même personne dans le champ où sont réalisés les prélèvements ; ex. de décadrage : on voit un récipient contenant de l’herbe moulue puis on élargit le champ pour découvrir le technicien en action). Présenter les séquences comme autonomes permet d’évoquer l’image de chaînons qui composent la chaîne de la recherche de la preuve.

Quel que soit le caractère méticuleux de la procédure et son caractère scientifique, la preuve n’est pourtant pas tangible. C’est dans la relation de l’image et du son que ce paradoxe apparaît, souligné par la journaliste : « Malgré toutes les précautions prises, il est impossible d’évaluer avec précision l’impact des rejets radioactifs ». Le commentaire est en décalage ironique par rapport à l’image qui lui correspond : on voit un technicien travailler avec un masque chirurgical pour garantir les meilleures conditions de l’analyse. Ce décalage entre l’image et le son est intentionnel. Il sert le propos du sujet qui est de soulever un problème et d’avouer une ignorance (« On ne sait toujours pas pourquoi… »).

Sonores 3. « Même si aucun lien … des questions restent en suspens ».. On voit deux homme qui marchent sur une plage. L’un d’eux est Pierre Paris, écologiste, la troisième personne interviewée. A l’évidence, il n’y a aucune relation entre ces images et le commentaire. Il s’agit tout simplement de scénariser la séquence pour « établir » le personnage de Pierre Paris. Cependant, le choix du lieu est motivé. Expliquez.

Commentaire. En demandant à Pierre Paris de marcher au bord de la mer, on établit une relation de connotation entre le personnage et un élément écologique par excellence, la mer. On désigne surtout un enjeu, l’enjeu écologique, c’est-à-dire l’équilibre menacé entre l’homme et son environnement naturel.

  • Les prises de parole

Elles alternent avec les sonores. Elles ont des caractéristiques visuelles communes. Lesquelles ?

Commentaire. Les deux premiers personnages sont filmés en plan serré pour mieux capter leur expression faciale et leur gestuelle. On notera que le second personnage (l’épidémiologiste) est très expressif alors que le premier (le directeur-adjoint de la Cogema) semble figé. Cette apparence contrastée crée un effet de sens et donne le sentiment que le responsable de la Cogema pourrait être soupçonné de rétention d’information alors que l’épidémiologiste est plutôt sincère (la spontanéité induit souvent la sincérité).

On remarquera aussi la posture du cadre de la Cogema : il est assis sur son bureau pour tempérer le caractère austère de ses fonctions. La pose paraît d’autant moins naturelle que son corps est tourné vers la gauche et qu’il regarde l’intervieweur vers la droite. L’épidémiologiste, pour sa part, dégage une présence rassurante qui tient sans doute à la simplicité du décor, du vêtement et de la posture (la simplicité a la vertu de rassurer).

Ainsi, la posture, le vêtement, le décor, l’expression non verbale orientent notre perception des discours. Ils suggèrent un classement des personnages dans le registre du sincère et du crédible (qui est le plus sincère ou le plus crédible : Christian Barandas de la Cogema ou Albert Collignon, l’épidémiologiste ?)

Notre perception du discours est aussi orientée par le cadrage. Dans le sujet, on choisit un cadrage plus serré pour le troisième personnage, Pierre Paris, l’écologiste. Ce choix de cadrage rend le personnage plus présent, plus proche. L’effet obtenu contribue à privilégier et à dramatiser son discours (« (On) ne doit pas absoudre complètement l’exploitant, enfin la Cogema »).

  • Conclusion

Classique (stéréotypé ?) dans sa forme, le sujet se veut une étude de cas qui sert à documenter le dossier du 20 octobre 2002 sur le nucléaire. Pour être vraiment concrète, l’enquête sur le terrain aurait pu tenir compte des réactions des populations riveraines, les premières concernées, et décrire plus précisément le complexe industriel dans son contexte humain et physique. Tel qu’il est monté, le sujet donne le sentiment d’être désincarné (seules sont données à voir quelques vaches qui peuplent les alentours de l’usine) et abstrait (experts et autorités animent un débat circulaire dont le leitmotiv est le doute).

 

 Plan du dossier :

Transcription de la bande son

Description et index des plans

Accueil

 

Télécharger le dossier en pdf

Retour en haut de la page